dimanche 17 novembre 2024

ROMAN: LE GARCON QUI PORTAIT JUPON (CHAPITRE 10)

 

                                                                 CHAPITRE 10


Lucy attendait avec impatience qu’Anna réponde au téléphone. Où était-elle ? Elle était sur le point d’abandonner quand il y eut un clic et Anna dit:

- Salut Luce. Désolée, je faisais la vaisselle. 

- Anna, Jake vient d’appeler. 

- Il t’a appellé ? Comment ça ? 

- Il était sorti faire du shopping avec la mère d’un de ses amis à Loxley Hall. 

- Jake était sorti faire du shopping ? 

- Oui, à Salisbury. 

- Salisbury ? S'étonna Anna.

Lucy se racla la gorge. Cela commençait à ressembler à une rediffusion de la conversation qu’elle venait d’avoir avec Jake. 

Elle voulait discuter en détail de l’appel de Jake avec sa sœur et elles se donnèrent rendez-vous plus tard dans la journée pour prendre un café.

Lucy avait décidé de ne pas mentionner que Jake portait une robe.

Elle raconta tous les autres détails, principalement les excuses de Jake pour sa visite avortée et son excitation à l’idée de lui rendre visite le week-end prochain, mais quand elle eut fini, Anna aborda immédiatement le sujet.

- Lucy, as-tu demandé à Jake ce qu’il portait ? 

Lucy hésita. 

- Oui… oui, je l’ai fait. 

- Et alors ? 

- Eh bien, il a dit qu’il... qu'il portait une robe. Dit Lucy avec précipitation comme pour en finir avec le sujet.

Elle sa pressa d'ajoutée:

- Parce qu’il n’avait rien d’autre à porter, car tous ses vêtements avaient été renvoyés ici, ce qui est vrai, donc tu ne peux pas vraiment… 

Anna interrompit sa sœur avec colère.

- Lucy, tu me dis que ton fils, mon neveu, Jake, se promenait dans un putain de centre commercial de Salisbury habillé en fille ? Qu’est-ce qu’il portait ? Une mini-jupe ?  Des talons aiguilles ? 

Lucy ne dit rien. Anna s'exclama:

- Qu'est-ce que tu cherche en le laissant là-bas ? Tu veux que plus tard il finisse sur un bout de trottoir, a faire la pute habillé en femme ?

Soudain Anna regarda autour d'elle avec inquietude, se rendant compte qu'elle risquait d'attirée l'attention. 

Lucy secoua la tête.

- Je ne sais pas ce qu'il portait exactement... il ne m'a pas précisé et je ne lui ai pas demandé, mais tu dois comprendre… 

- Non Lucy ! Je n’ai pas à comprendre quoi que ce soit. En fait, je ne comprends rien. Je ne sais pas pourquoi tu l’as envoyé dans cet endroit. Tout ce que je sais, c’est que Jake est un garçon et qu’il devrait être traité comme un garçon et s’habiller comme un garçon. Je suis consternée de savoir qu’il se promène dans un centre commercial en robe ou je ne sais quoi d'autres, et tu devrais l’être aussi… 

Les sœurs se retrouvèrent bientôt dans la même situation qu'elles avaient déjà connue  à de nombreuses reprises au cours des semaines précédentes. Lucy essaya désespérément de justifier a nouveau ce qu’elle avait fait, mais même à ses propres oreilles, ses arguments semblaient creux. 

Elle avait échouée à maintes reprises, à convaincre sa sœur que la discipline du jupon pouvait avoir un certain mérite et les protestation véhémentes d’Anna alimentaient ses propres doutes, de plus en plus croissants. 

Anna voulait mettre un terme à la dispute. 

- Écoute Lucy, nous tournons en rond et n’arrivons à rien. Tu sais ce que je pense. Je pense que tu devrais aller à Loxley Hall le week-end prochain et dire à Julia je ne sais quoi de se fourrer ses théories farfelues dans le cul et ramener Jake à la maison avec toi. 

Lucy faillit rire. 

À la surprise d’Anna, elle dit:

- Je ne sais pas. Peut-être que tu as raison. Je suis tellement embrouillée, Anna. Je ne sais pas quoi faire.

- Je sais... Mais tu doit ramener Jake à la maison. Insista Anna.

Lucy hocha la tête puis dit lentement. 

- Je pense que tu as peut-être raison. Peut-être qu’il est temps. 

Anna rentra chez elle et dit à son mari que Lucy commençait enfin à avoir enfin les idées claires. 

Cette nuit-là, Lucy prit sa décision.

Elle allait mettre fin à cette expérience et ramener Jake à la maison. Cette décision était pour elle comme enlever un énorme poids de ses épaules. Elle s’inquiétait à chaque minute depuis que Jake était parti, se demandant comment il allait et ce qu’il faisait. 

La honte de l’avoir trompé ne l’avait jamais quittée. Maintenant, elle allait le ramener à la maison. Si l’expérience de Loxley Hall l’avait amélioré en tant qu’être humain, elle en serait ravie, mais si ce n’était pas le cas, qu’il en soit ainsi. 

À ce moment-là, une seule chose comptait pour elle: récupérer son fils, pour le meilleur ou pour le pire. Lucy avait hâte que le week-end arrive. Elle rangea la chambre de Jake et s’assura que tout soit prêt pour son retour à la maison. 

Elle mit son jean et son t-shirt préférés dans un sac et le mit dans sa voiture afin d’avoir quelque chose pour que Jake puisse se changer avant de retourner à Brighton. 

Elle se demanda si elle devait prévenir Julia de ce qu’elle allait faire, mais décida de ne pas le faire. Elle serait peut-être un peu énervée, mais qui s’en souciait ? Julia ne pouvait rien faire pour l’empêcher d’emmener son fils si elle le voulait.

Elle partit très tôt le samedi matin, d'excellente bonne humeur, en chantant son CD préféré des Beatles sur l’auto-radio. 

Jake/Judith-Ann était de plus en plus agitée à l’idée de la visite de sa mère. 

Ce n’était pas qu’elle ne voulait pas la voir. Elle le voulait mais elle était particulierement  inquiete de sa réaction. Quand elle verrait à quel point il... ou plutot, elle avait changée.

Judith-Ann se rendait compte qu’elle n’était plus seulement un garçon en robe. 

Sa journée au centre commercial lui avait prouvé qu’elle était complètement accepté en tant que fille, elle ressemblait à une fille, se comportait comme une fille, parlait comme une fille et elle n’était pas du tout sûr que sa mère comprendrait ou accepterait ce qui lui était arrivée. 

Elle ne le comprenait pas elle-même, alors pourquoi le comprendrait-elle ? 

Judith-Ann en parla a Georgina. Cette derniere lui dit dit qu’elle devenait paranoïaque. 

La mère de Jake/Judith-Ann savait ce qu’était Loxley Hall quand elle l’avait envoyé là-bas, donc ce ne serait pas un gros problème. 

Judith-Ann pouvait voir la logique de l'argument de Georgina, mais elle était tout de même tellement tendue le matin où sa mère devait arriver qu’elle a dû demander à son amie de le maquiller parce que ses mains tremblaient tellement. Vêtue de son soutien-gorge, d’une culotte et de collants, elle s’assit sur le tabouret de sa coiffeuse pendant que Georgina s’efforçait de lui donner "le regard le plus beau de tous les temps" avait-elle dit.

Lorsque Georgina eut finie, Judith-Ann se regarda dans le miroir et plaisanta en voyant ses yeux charbonneux:

- Oh mon Dieu, je ressemble à un panda ! 

- Mais non, tu es superbe ! Répondit Gorgina.

Puis elle se fit coquine:

 - Je ne te fais pas encore les lèvres parce que j’espère bien que tu me donneras une récompense… 

Judith-Ann savait exactement de quel genre de récompense elle parlait et rit. 

- Je ne veux pas avoir ta bite dans ma bouche quand ma mère arrivera... Alors tu devras attendre jusqu’à ce soir. De toute façon, je peux me faire les lèvres seule, comme une grande fille.

Judith-Ann se leva et se pencha plus près du miroir pour examiner son maquillage des yeux. Ses paupières étaient d’une fabuleuse couleur gris argenté foncé. Gorgina lui avait fait un œil de chat avec de l’eye-liner dans chaque coin et avait appliqué du mascara prolongateur sur ses cils, les rendant encore plus épais et plus longs. Elle était ravie du résultat et se tourna vers son amie en battant des cils. 

- Merci, c'est un travail magnifique.

Judith-Ann avait gardée la Robe que lui avait offert la Mere de Gorgina pour la visite de sa mère, elle emprunta aussi les plus grosses créoles de Gorgina. Maintenant elle était prête, ses cheveux brossés, son rouge à lèvres appliqué avec soin.

Le cœur battant d'angoisse et durant au moins une demi-heure avant l'arrivée de sa mère, Judith-Ann passa une grande partie de ce temps à faire des allers-retours aux toilettes pour faire pipi tant elle était impatiente.

Il était presque 11 heures quand Lucy arrêta sa voiture devant le manoir de Loxley Hall. 

Molly, la femme de chambre ouvrit la porte, Lucy avait encore du mal à croire qu’elle était un garçon. Molly sourit lorsque Lucy se présenta et dit qu’elle était venue voir Judith-Ann.

La soubrette fit entrée Lucy en disant: 

- La plupart des Maman utilise encore le prénom masculin de leur fille lors de la premiere visite... Si vous voulez bien attendre au salon, je vais allez la chercher.

Molly la conduisit dans la même pièce où elle avait rencontré Miss Bagnall pour la première fois. Lucy se rendit compte qu’elle était curieusement nerveuse alors qu’elle était assise sur le canapé, feuilletant un vieil exemplaire de Vanity Fair qu’elle avait trouvé sur la table basse.

Elle n’entendit pas la porte s’ouvrir et sursauta lorsqu’une voix familière derrière dit :

- Salut maman !

Lucy se leva, se retourna et faillit s’évanouir… sa bouche s’ouvrit et elle dut s’agripper au dossier du canapé pour se soutenir. Devant elle se tenait une jolie adolescente portant une mini-robe, des collants noirs et de grandes créoles, une jeune fille qu’elle ne reconnut que vaguement comme étant son fils.

Il avait des mèches roses dans les cheveux, un maquillage des yeux prononcé et des ongles peints. Il semblait plus grand et quand elle baissa les yeux, elle vit qu’il portait des bottines à talons assez hauts.

Si elle avait été une vraie fille de 15 ans, elle aurait dit qu’elle était mignone, presque belle.

Mais ce n’était pas une fille, c’était son fils. 

Voyant la réaction de sa Mère, Judith-Ann regretta instantanément de lui avoir demandé de lui rendre visite. Pourquoi n’avait-elle pas pu le laisser tranquille ? Qu'avait-elle espéré, le retrouver inchangé, à part sa robe ? Elle le regardait de haut en bas comme s'il était une sorte de monstre de cirque. Et s'il avait trop maquillé ? 

- Jake ? Demanda Lucy pour être sûre d'être face a son fils.

- Oui maman. Alors comment ça va ? Demanda Judith-Ann. 

- Bien...et... et toi ? Repondie t-elle.

Lucy regardait Jake, elle essayait déjà de comprendre comment diable elle allait pouvoir  le ramener à la maison dans cet état. Lucy déglutit, essayant de rassembler ses pensées. 

- Jake... qu'est-ce qui t'est arrivé ?

- Que veux-tu dire ? 

Lucy fit un geste vers les vêtements et les cheveux de son fils.

- Bien… tout ça. C'est une perruque que tu portes ? Demanda-t-elle. 

- Non... Mon amie Gorgina a des mèches roses, j'ai trouvé que cela lui allait bien alors je me suis dit que je pouvais essayée. Un coiffeur vient une fois par semaine a Loxley Hall donc j'en ai profitée. J'aime bien, pas toi ? 

Lucy secoua la tête, perplexe. 

- Ce n’est pas seulement tes cheveux. Est-ce que l’école t’a fourni cette robe ? 

Judith-Ann rit avec mépris. 

- Certainement pas.... L’école n’a rien d’aussi joli que ça ! Dit-elle en se regardant. 

- Alors ou as-tu... Commença Lucy.

Judith-Ann l'interrompie:

- Je l’ai achetée le week-end dernier, tu sais lorsque je t’ai appelé du centre commercial ?

- Tu t’es acheté une robe ? 

- Ben oui... pourquoi pas ? 

Lucy n'en croyais pas ses oreilles, alors qu'elle s'attendait a ce que Jake se jette sur elle de rage, elle avait presque l'impression d'être face a une vraie fille. Polie et coquette... le rêve de toute Maman !

Judith-Ann regardait sa Mere:  

- En fait je ne l’ai pas vraiment achetée, c’est la mère de mon amie Gorgina qui me l’a offerte. Je n’ai pas arrêtée pas de lui dire qu’elle ne devait pas, mais elle a tellement  insistée que je n'ai pas put refusée... tout compte fait je suis contente qu’elle ai insistée car  j’adore cette robe. C’est la première fois que je la porte, elle n'est pas un peu trop courte au moins ? Tu sais je n'ai pas vraiment l'habitude d'acheté ce genre de chose... du moins pas encore.

Lucy intervint sechement:

- Jake ! Est-ce que c’est une blague ? 

Judith-Ann/Jake ouvrit de grands yeux, le regard vraiment perplexe. 

- Non. Que veux-tu dire ? 

- Tu veux me faire culpabilisée ? Me punir ? C'est  bien cela ?

- Mais... Mais Maman,pourquoi voudrai-je faire ça ? 

- Je ne sais pas.  Peut-être parce que je t’ai envoyé ici, mais je ne m’attendais pas à ce que tu ressembles à ça.

- Eh bien, tu voulais que je sois une fille, n’est-ce pas ? Alors je suis une fille mainetant.

- Non, Jake… 

- Je suis Judith-Ann maintenant. S’exclama-t-il. 

- Non, Jake, je n’ai jamais voulu que tu sois une fille. Jamais... et je ne le veux pas.

- Pourquoi m’as-tu envoyé ici alors ?

Lucy hésita. 

- Pourquoi ? 

Elle le regrettait certainement maintenant. 

- Je pensais que ça te remettrait dans le droit chemin, dit-elle d’un ton lamentable.

- Me remettre dans le droit chemin ? C’est drôle... Tu ne sais pas à quel point c’est drôle !

Lucy le regarda faire le tour du canapé. Pendant un moment de béatitude, elle crut qu'il venait la serrer dans ses bras, mais il traversa la pièce et s'installa dans un fauteuil de l'autre côté de la cheminée, les genoux serrés. 

Lucy était étonnée de voir à quel point il semblait à l'aise en marchant avec des talons hauts et à quel point ses jambes étaient galbées en collants. Avec des jambes comme ça il pourrait être mannequin... Pensa Lucy.

Elle ne l'avait jamais remarqué auparavant. Elle s'assit sur le canapé et le regarda, étrangement fascinée, alors qu'il grattait une tache de mascara au coin de l'œil. Elle vit que ses ongles étaient manucurés et peints de la même teinte que son rouge à lèvres. 

Il examina le mascara sur son ongle, puis fouilla dans la poche de sa robe pour en chercher un mouchoir, essuya son doigt puis remit le mouchoir. Il semblait si naturellement féminin que c'en était effrayant. Lucy sentit un frisson, c'était presque comme si son fils avait subi un lavage de cerveau. 

Tout au long de ce processus, il avait ignoré sa mère, mais ensuite il se tourna vers elle, croisa nonchalamment les jambes, tira sur l'ourlet de sa jupe et sourit. 

- Alors chere Maman, on va faire du shopping ? J’adorerais acheter de nouveaux sous-vêtements et des collants de couleurs. Ceux qu’ils ont ici sont plutôt terne, ils n’ont que des collants noirs ou chair et j’aimerais vraiment avoir des collants colorés pour changer... et puis de toute façon ce serait bien d’avoir mes propres affaires et… 

Lucy secoua la tête. Elle essayait de comprendre ce qui se passait mais trouvait cela presque impossible. 

- Jake, dit-elle doucement, tu sais que tu es un garçon, n’est-ce pas ?

- Judith-Ann Maman... Judith-Ann... Dit Jake presque agacé.

À la grande surprise de Lucy son fils perdit soudain presque sang-froid: 

- De toute façon Garçon ou fille, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Le sexe est un choix de nos jours... Tu n'en savait rien ? Si je choisis d’être une fille, alors je suis une fille. Clap de Fin. 

- Alors tu veux que nous sortions ensemble ? Que je t’emmène Robe et talons, c’est ça ? 

- Pourquoi pas ? As-tu trop honte ? Ou est-tu trop gênée ? 

Cela mit Lucy dans l'embarras, car elle ressentait un peu des deux. Elle décida qu’elle en avait assez. Leurs retrouvailles ne se déroulaient certainement pas comme elle l’espérait... Après seulement dix minutes ensemble, ils en étaient déjà revenus aux querelles qui avaient marqué leur vie avant que Jake ne parte pour Loxley Hall. 

- Je ne vais pas t’emmener faire du shopping déguisé de la sorte, dit-elle, je vais te ramener à la maison. 

- QUOI ? S’exclama Jake. 

- Tu m'a compris, je te ramène à la maison. C'est fini pour toi Loxley Hall. Je vais tout de suite parler à Miss Bagnall et lui dire que tu pars avec moi. Pendant ce temps tu vas enlever tout ce maquillage de ton visage et tu mettre les vêtements que je t’ai apportés, des vêtements de garçon évidemment. Une foisà la maison, nous te feront couper les cheveux et chercherons une école prête à t’accueillir. 

Jake ouvrait et fermait la bouche comme un poisson hors de l'eau.

C’était la dernière chose à laquelle il s’attendait et la dernière chose qu’il voulait,  être séparé de Georgina. Il décroisa les jambes, gardant toujours ses genoux serrés l’un contre l’autre et se pencha en avant pour souligner ce qu’il allait dire. 

Il fit la moue avec défi, d’une manière que sa mère connaissait si bien, sauf que maintenant ses lèvres était peinte d'un joli rouge a levres.

- Je ne pars pas !

Lucy pensa avoir mal entendu. 

- Je suis désolée. Qu’as-tu dit ?

- J’ai dit que je ne rentrerais pas à la maison. Je veux rester ici !!!

Lucy doutait toujours de ses oreilles. 

- Tu veux rester ? 

- Oui.

- Pourquoi diable veux-tu faire ça ? 

C’est mon affaire et c'est tout. Je ne veux pas rentrer à la maison et tu ne peux pas m’y forcer. 

- Si je le peux. Je suis ta Mère et tu n'as que 15 ans, alors tu feras ce que je te dit. Jake ne rends pas les choses plus difficiles. Je veux que tu rentres à la maison. 

Lucy était de plus en plus désespérée.

- Non, maman, je ne le ferai pas... dit Jake, très calmement. 

Il/elle se leva et lissa sa jupe presque instinctivement et sortit sans regarder sa mère, fermant la porte derrière lui. 

Lucy était au bord des larmes. Elle était horrifiée de voir à quel point il était devenu féminisé en si peu de temps. Elle détestait le voir en robe, détestait son maquillage appliqué avec expertise, détestait ses longues jambes de fille en collants noirs, détestait la façon dont il balançait ses hanches sur ses talons.

Elle ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas sauté sur l’occasion de quitter Loxley Hall.

Elle imaginait qu’il serait ravi de voir son séjour écourté. Que s’était-il passé ? 

Elle le suivit en espérant qu’il l’attendrait dehors, mais il n’y avait aucun signe de personne.

Elle se rappelait vaguement le chemin pour rejoindre le bureau de Miss Bagnall et après quelques fausses pistes, elle trouva la bonne porte et frappa.

- Entrez Mme Northrup. Dit Miss Bagnall. 

Comment sait-elle que c’est moi ? Se demanda Lucy, puis elle remarqu une petite caméra avec une lumière rouge dans un coin au-dessus de la porte. Elle entra et Miss Bagnall lui sourit tout en ôtant ses lunettes, elle se leva et fit le tour de son bureau pour saluer sa visiteuse avec effusion. 

- Mme Northrup, c’est très agréable de vous voir. Avez-vous déjà vu Judith-Ann ? Quelle adorable jeune fille n'est-ce pas  ? 

Lucy était trop confuse et bouleversée pour répondre.

Elle serra la main tendue de Miss Bagnall, prit la chaise qu’elle lui indiqua en face du bureau et attendit d’être revenue à sa place avant de commencer à parler.

- Miss Bagnall… 

- Julia, s’il vous plaît. 

Lucy hésita. 

Elle ne voulait pas appeler cette fichue femme Julia mais en même temps elle ne voulait pas la contrarier. Elle voulait lui dire qu’elle était loin d’être ravie de la transformation  de Jake, qu’en fait elle était choquée par ce qui était arrivé à son fils en quelques semaines seulement. Elle voulait dire qu’elle en avait assez de l’entendre appeler Judith-Ann ou elle.

Mais elle ne dit rien de tout cela. 

- Je pense que je devrais vous dire que j’ai décidé de retirer Jake de Loxley Hall. 

Miss Bagnall haussa un sourcil. 

- Vraiment ? Pourquoi cela ? 

Lucy hésita encore. 

- Je veux simplement qu’il revienne à la maison avec moi. Je ne savais pas qu’il me manquerait autant. 

Mlle Bagnall dit qu’elle comprenait parfaitement et que Lucy avait parfaitement le droit de retirer son fils mais que malheureusement aucun remboursement ne serait possible sur les frais déjà payés. 

Lucy dit qu’elle ne s’inquiétait pas d’un remboursement, mais qu’il y avait un problème:

- Jake ne veux pas partir.... Avez-vous une idée de la raison pour laquelle il voudrait rester ici plutôt que de rentrer à la maison ?

Miss Bagnall mit un certain temps à répondre à la question et sembla hésitante lorsqu’elle parla enfin. 

- Je me fais un devoir de savoir tout ce qui se passe ici et je pense savoir pourquoi Judith-Ann veut rester… 

Elle s’arrêta, un peu hésitante:

- Je suis presque sûre que Judith-Ann est dans une relation potentiellement sérieuse avec l’une des autres étudiantes, une très jolie fille appelée Georgina...

Lucy fut surprise. 

- Une relation sérieuse ? Qu’est-ce que cela signifie ? 

- Eh bien, Judith-Ann et Georgina semblent passer beaucoup de temps ensemble et ont été vus en train de s’embrasser dans le jardin, et a se tenir par la main. Nous n’avons aucun moyen de savoir si elles ont été plus loin toutes les deux, mais je pense qu’il serait prudent de supposer que c’est probablement le cas. 

Lucy écoutait Miss Bagnall tout en essayant d'assimilée les informations. Miss Bagnall continuait:

- Nos étudiantes comme vous le savez, ont une indépendance considérable et on nous leur faisons confiance pour se comporter correctement. 

- Mais dans un endroit comme celui-ci, vous pouvez forcément empêcher les étudiantes de nouer des relations ? 

- Nous essayons, mentie Miss Bagnall. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter ce genre de déconvenues, mais la nature humaine étant ce qu’elle est… 

- Cette autre élève, cette Georgina, est sans doute aussi un garçon ? 

Miss Bagnall hocha la tête. 

- Nous parlons donc d’une relation homosexuelle ? Grimaça Lucy. Elle n'était pas le moins du monde homophobe, mais savoir son fils se livrant a certaines choses avec un autre garçon... 

- Et vous pensez que c’est suffisamment sérieux pour que Jake... je veux dire Judith-Ann ne veuille pas rentrer à la maison ?

Miss Bagnall hocha la tête.

- Pourquoi ne pouvez-vous pas simplement l’expulser ? Cela résoudrait tous nos problèmes. 

Miss Bagnall haussa les sourcils, visiblement horrifiée par cette suggestion. 

- Pour quelles raisons devrai-je l’expulsée ? Pouvez-vous me le dire ? Aucune. La seule façon pour moi de chassée Judith-Ann d'ici serait de fabriquer des motifs fallacieux. Vous ne pouvez pas me demander de me comporter de manière déshonorante, n’est-ce pas ? 

Lucy haussa les épaules. 

- Voulez-vous mon avis, Madame Northrop ? 

Ce fut le tour de Lucy d’acquiescer. 

- À moins de traîner physiquement Judith-Ann jusqu’à votre voiture et de courir le risque de la voir sauter de votre voiture lorsque vous arriverez a la grille, je ne vois pas comment vous pouvez la persuader de partir contre sa volonté. 

- Vous êtes sérieuse ?

Miss Bagnall mentait de nouveau, et elle continua:

- Cependant, je suis presque sûr que Georgina quittera Loxley Hall à la fin du mois prochain. Elle va allez vivre chez une tante en Écosse... Lorsque Georgina sera partie, je doute fort que votre fille veuille rester. La solution pragmatique à votre problème serait donc de lui permettre de rester ici pendant un certain temps. Quelques semaines tout au plus.

Miss Bagnall s’arrêta un instant puis changea brusquement de sujet.

- J’ai l’impression que votre rencontre avec Judith-Ann ne s’est pas passée comme vous l’aviez espéré. Ai-je raison ? 

Lucy secoua la tête. Comment cette fichue femme savait-elle ça ? 

- Pour être honnête Julia, j’ai été surprise de voir à quel point il... enfin elle, avait été euh... féminisé. C’est le mot ? 

Miss Bagnall hocha la tête.

- Et puis son refus de rentrer à la maison m’a complètement déstabilisée. C’était la dernière chose à laquelle je m’attendais. 

- Je comprends. De toute évidence, vous n’étiez pas censée être au courant de sa relation avec Georgina. Il n’y a rien de mal à cela... d’ailleurs à mon avis, cela peut durer ou prendre fin aussi vite que cela a commencé. Elles sont toutes les deux très jeunes. D’une certaine manière cela n’a pas d’importance, mais c’est important pour elle maintenant, certainement assez important pour qu’elle veuille rester. Quoi qu’il en soit, tu vous ne voulez pas que votre visite soit gâchée par une dispute sur le fait de savoir si elle doit partir ou rester. Je pense que vous devriez allez allez vous même la voir pour lui annoncée qu’elle peut rester. 

- Ma foi...si vous pensez que c'est la solution. Soupira Lucy.

Miss Bagnall assura:

- C'est un bon compromis... Ensuite vous pourriez peut-être l’emmener faire du shopping ou autre chose. Elle adorerait ça et cela vous donnerait à tous les deux la chance de nouer des liens.

Cela avait du sens pour Lucy. Bien qu’elle soit amèrement déçue, il était clair qu’elle devrait abandonner tout espoir de ramener son fils à la maison, et certainement pas contre sa volonté. 

Elle se fichait de savoir si il était gay ou dans une relation gay. Elle ne voulait que son bonheur et il était clair que pour le moment, il était heureux à Loxley Hall… Elle se rendit compte que Miss Bagnall parlait. 

- Je suis désolée, Julia, qu’as-tu dit ? 

- Je vous ai demandé si vous vouliez que j’aille la chercher ? Vous pourrez discuter en privé et décider de ce que vous voulez faire.

Lucy ne comprenait pas pourquoi elle était reconnaissante, mais elle l’était. 

- Oui... dit-elle.

Miss Bagnall sourit et dit qu’elle revienait tout de suite et quitta la pièce. 

Lucy était assise là, attendant son fils, encore plus nerveuse qu’elle ne l’était plus tôt. 

Faisait-elle le bon choix ? Avait-elle une autre alternative ? Voulait-elle vraiment sortir avec  sa fille provosoire, alors qu'elle porterait robe et talons ? Elle n’avait pas de réponses, seulement des questions. 

Une chose était sûre: sa sœur serait en colère si elle ne rentrait pas à la maison avec Jake.

Miss Bagnall avait dû prévenir Judith-Ann de ce qui se passait, car elle fit irruption dans la pièce tout sourire, se précipita vers l’endroit où sa mère était assise et la serra dans ses bras avant même qu’elle n’ait eu le temps de se lever de sa chaise. 

- Alors c'est vrai ?  Je peux rester, n’est-ce pas ? Et nous pouvons allez faire du shopping toutes les deux ? Demanda  Judith-Ann avec enthousiasme.

Malgré elle Lucy sourit:

- Oui... Et comme on dit: Ce que fille veux.

Pendant un court moment, elle était presque joyeuse, mais ensuite elle regarda Judith-Ann de haut en bas et dit:

- Es-tu sûr que ça ne te dérange pas de sortir comme ça ? 

- Bien sûr que non. Mais toi, est-ce que ça te dérange que je sorte ainsi ? Demanda Judith-Ann, visiblement soucieuse des sentiments de sa Mère. 

Lucy était émue. Elle ne se souvenait pas qu’il ait un jour pris en compte sa sensibilité.

- Non... et puis c'est ce que tu veux alors je n'irai pas contre  ton désir. Dit Lucy.

Elles quittèrent la maison ensemble, bras dessus, bras dessous. Une première, autant que Lucy s’en souvienne, elles traversèrent la cour en gravier jusqu’à l’endroit où son la voiture était garée. 

En route pour Salisbury, Lucy essaya de flattée Judith-Ann au sujet de son amie, mais elle refusa de se laisser entraîner sur ce terrain, se contentant de dire qu’elle était gentille. Lucy ne cessait de regarder son fils du coin de l’œil et se demandait comment il était possible qu’il soit si convaincant en tant que fille. 

En faisant des recherches sur les questions de genre sur Internet, elle avait rencontré un certain nombre de beaux garçons qui travaillaient à la fois comme mannequins féminins et masculins mais ils étaient rares, pas plus d’une poignée dans le monde. 

Jake/Judith-Ann réalisa-t-elle, pouvait être l'un. 

Elle ne doutait pas qu’il/elle pourrait probablement entrer dans une agence de mannequins en tant que fille et être engagée sans probleme. Elle n’arrivait pas à se décider sur ce qu’elle en pensait. Judith-Ann bavardait sur ce qui s’était passé à Loxley Hall et Lucy se rendit compte qu’il avait fondamentalement changé, et pas seulement son apparence.

L’adolescent grincheux incapable d’enchaîner deux mots, qui aurait normalement été affalé sur le siège avant à côté d’elle, regardant le monde avec une hostilité nue, semblait avoir été remplacé par une fille joyeuse avec beaucoup de choses à dire et qui semblait réellement apprécier sa compagnie. 

C’était vraiment remarquable, pensa Lucy. Jake était de la meilleure humeur, principalement parce que la menace de devoir quitter Loxley avait été supprimée. Il fut consterné lorsque sa mère annonça qu’elle le ramenait à la maison. Lorsqu’il avait quitté sa mère plus tôt dans la journée, il était allé directement dans la chambre de Gorgina pour lui dire ce qui se passait et cette derniere avait immédiatement fondu en larmes. 

Judith-Ann l’entoura d’un bras et lui dit de ne pas s’inquiéter, qu’elle se fichait de ce que sa mère disait, cela n’arriverait pas, mais elle n’arrêtait pas de se rappeler comment elle lui avait rappelé qu’elle n’avait que 15 ans et qu’elle devrait faire ce qu’on lui disait.

Pourrait-elle la faire partir ? 

Elle craignait qu’elle ne s’en prenne à la Directrice. Et si elle la chassait, ce serait fini entre Gorgina et elle. Elle n’aurait pas d’autre choix que de partir avec sa mère. Elle avait caché tout cela à Gorgina. 

Elles passèrent une demi-heure assises au bord du lit, à discuter sur les diverses façons de contrecarrer la mère de Judith-Ann, mais ensuite Miss Bagnall avait frappée à la porte en disant que tout était réglé: La mère de Judith-Ann avait accepté qu’elle reste. 

Les deux amies se levèrent d’un bond et se serrèrent dans les bras. 

- Elle t’attend dans mon bureau. Dit Miss Bagnall a Judith-Ann dont le visage était rayonnant de joie.

- Elle t'attend dans mon bureau, je pense qu’elle veut t’emmener faire du shopping. 

Judith-Ann demanda immédiatement à Gorgina si elle voulait venir mais elle lui rappela que sa propre mère devait arriver d’une minute à l’autre. 

- Vas-y et amuse-toi bien. Dit-elle en serrant le bras de Judith-Ann.

Alors qu’elles approchaient du centre commercial, Lucy aborda un sujet qui lui trottait dans la tête depuis leur départ.

- Judith-Ann, pourquoi faisons-nous ça ? 

Judith-Ann eue un petit sourire: 

- C'est bien... je vois que tu commence a te faire a mon nouveau prénom.

Puis elle questionna sa Mere:

- Que veux-tu dire par: pourquoi faisons-nous ça ?    

- Et bien aller dans un centre commercial. 

 Judith-Ann réfléchit.

- Je ne sais pas. Parce que c’est amusant ? 

Lucy rit. 

- Tu n’aurais jamais dit ça il y a quelques semaines. Tu détestais ça. Qu’est-ce qui a changé ?  

Judith-Ann ne répondit pas. 

Lucy voulut soudain savoir si Judith-Ann avait fait des projets pour son avenir. Elle lui semblait si à l’aise en tant que fille, tellement plus détendue, qu’elle se demanda si elle allait se révéler transgenre. 

- Je suppose... Avoua Judith-Ann.

Lucy continua, elle savait qu'elle s'aventurait sur un terrain glissant:

- Ce que je te demande en réalité, c’est ce qui va se passer quand tu rentreras à la maison ? Je veux dire, cela ne sert à rien que nous fassions du shopping aujourd’hui pour des trucs de fille  si tu ne les portent jamais plus quand tu rentreras à la maison ? 

 Judith-Ann fronça les sourcils. Elle détestait qu’on lui rappelle qu’il y avait un avenir après Loxley Hall. Elle n’avait aucune idée de ce qui allait se passer et elle ne voulait pas y penser. 

- Je ne sais pas, maman. On peut simplement entrer et regarder ? 

Lucy était alors garée au centre commercial. 

- Bien sûr que nous pouvons. Souria Lucy.

 Plus tard dans la soirée, quand elle fut de retour à la maison, Lucy eut du mal à croire a la réalité de cette journée. Elle avait suivi son fils, habillé en fille, dans et hors des magasins, il avait été accepté comme une fille partout et malgré elle, elle avait fini par lui acheter de nouveaux vêtements, des sous-vêtements, des collants de couleur, du maquillage et  même ses propres créoles en argent. 

Elle savait qu’elle ne devait pas encourager Judith-Ann, mais elle était si belle quand elle sortie de la cabine d’essayage dans une petite robe en soie à bretelles en dentelle qu’elle ne put résister à la lui achetée. Après cela, il ne lui semblait plus nécessaire de se retenir.

Elle était étonnée de Judith-Ann, de sa confiance en elle.

Dans un restaurant où elles s’étaient arrêtés pour déjeuner, Judith-Ann avait dû aller aux toilettes de dames, même cela ne semblait pas la déranger,pendant son absence, une femme âgée assise à la table voisine s’était penchée vers elle et avait dit:

- Je dois vous dire que je trouve votre fille absolument adorable. 

Lucy était devenue rouge. Elle avait remercié la femme puis avait dit ave un petit sourire:

- Oui. Et elle est si spéciale...

Lucy avait dû lutter pour se retenir de rire à haute voix. 

Lorsqu’elle était sortie des WC, Judith-Ann s’était faufilée entre les tables, apparemment inconsciente des regards admiratifs des convives masculins, mais Lucy avait remarquéE qu’elle balançait légèrement ses hanches. Judith-Ann savait qu’on l’observait et elle en jouait.

 Lorsque Judith-Ann est revenue à leur table, Lucy avait pu voir qu’elle s’était remaquillée. 

C’était ridicule, elle le savait, mais elle était fière de lui... enfin de sa fille.

Lorsque Lucy la reconduisie à Loxley Hall avec ses paquets, Judith-Ann l’avait longuement serrée dans ses bras, l’avait remerciée et lui avait dit qu’elle l’aimait. Judith-Ann était presque en larmes... Des larmes de gratitude.


                                                                                                             A SUIVRE...                                                      

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